Le Chant de l’Etre

Entretien avec Serge Wilfart

 

Après des recherches poussées sur le souffle et la voix, Serge Wilfart, ancien ténor d’opéra, a mis au point une méthode innovante qu’il dispense, depuis plus de 30 ans, en France, en Italie, en Suisse, au Benelux, en Espagne et au Canada. Ses deux livres parus chez Albin Michel, Le chant de l’être et L’esprit du chant, décrivent en profondeur sa démarche.
Cette méthode particulièrement efficace concerne tous ceux qui s’expriment en public (enseignants, avocats, comédiens, cadres, politiques…), les chanteurs, et toutes personnes vivant des difficultés avec leur voix ou leur corps. C’est une méthode globale qui se trouve au point de convergence de nombreux intérêts.
Serge Wilfart, I’initiateur de la méthode qui porte son nom s’explique ici sur son travail.

 

La passion de la voix

« Le chant est inscrit en moi depuis ma tendre enfance. A 17 ans, je chantais déjà. Après mes études au conservatoires, j’ai fait carrière sur les scène lyriques pendant 13 ans. Je sentais alors que cette voix n’était pas la mienne, d’où une grande insatisfaction.
Devenu professeur, j’ai très vite constaté que la voix, par son aspect humain, m’intéressait plus que le chant. J’ai cherché dans cette direction, étant d’abord mon propre terrain d’expérimentation. Aucun exercice n’est proposé aux participants que je n’ai vécu moi-même. Je suis un accompagnateur ou, mieux encore, un passeur.

 

Une méthode de chant ?

Mon travail concerne tout le monde, et pas seulement les chanteurs. Vous avez une voix parlée, donc vous pouvez chanter. Je mets sur un chemin, celui de votre autonomie, mieux, un chemin de maîtrise. J’ai ainsi travaillé avec énormément de personnes. Si,
symboliquement, le démarche reste la même pour tous, jamais je n’ai rencontré deux êtres identiques. Une richesse !

 

Ma matière première ?

C’est celle qui émane de tout bébé qui vient au monde, quelle que soit la terre où il voit le jour. Cette matière est communication qui précède le mot et le langage.
Cette matière première est de nature « animale ». Dans le mot « animal » se trouve anima, force volcanique et chaotique. C’est de ce chaos que doit se reconstruire l’ordre.

Ce travail « déshabille » la personne, la libère de ses chaînes matérielles, puis rhabille l’Etre, dans une recherche d’harmonie entre le souffle et la voix.

L’Etre revenu à la source de son centre, peut alors se reconstruire. Il trouve alors le chemin de l’acte authentique, il peut entrer dans la
vie adulte et y tenir sa véritable place. La voix est un outil ou un véhicule mis au service de cette recherche.

Le coeur change, de même que le mental, la psychologique et l’esprit de chacun. La démarche est globale : le chemin de toute une vie.

 

Une première séance

J’ai écrit : « la voix, je m’en fiche ». Elle ne m’intéresse que parce qu’elle est symbolique de la façon dont agit l’individu dans sa vie de tous les jours. Chaque son témoigne de ce qui se passe à l’intérieur.
Devenir chanteur, au sens égotique du terme, je refuse. Par contre celui qui veut trouver dans cette approche la profondeur les racines de son art, je l’accompagne avec bonheur.
Le principe de cette méthode est d’exposer le corps dans ses tensions, et grâce à des exercices précis, d’instaurer un rapport entre le souffle et la voix qui va s’opposer à ces tensions. Le corps dans son énergie sera en porte-à-faux. Il y aura chute, effective et symbolique, pouvant aller jusqu’au tapis. Les premières séances sont toujours très spectaculaires, les choses se calment ensuite. Après la chute, I’individu comprend de mieux en mieux ce qu’il est en train de vivre. Il pourra peu à peu repérer puis s’engager sur son propre chemin. II lui faudra s’accrocher pour passer au travers et devenir autre.
Cette démarche est éprouvante au sens de l’épreuve, mais beaucoup sont passés au travers.

 

L’aspect initiatique de la méthode

Rien à voir avec le nouvel âge. Ma démarche autrefois intuitivement rationnelle devient toujours plus rationnellement intuitive, enracinée dans la matière. Il s’agit ici d’incarnation, on ne peut ignorer le corps. Ma conviction est que la spiritualité passe par la recherche d’harmonisation de ce temple intérieur qu’est le corps. L’harmonie est d’ordre universel.
Par principe c’est un sujet que je n’aborde jamais. Ce qui importe, c’est la trilogie : expérience, sensation, réflexion. A chacun de choisir le plan qu’il préfèrera vivre.

 

Les bénéfices obtenus

Une autre trilogie est importante : souffle, voix, communication. Lorsque l’on retrouve sa vraie respiration, la voix change. Elle devient authentique. Nous avons plus de présence et la communication s’en trouve enrichie. Bien sûr, ces changements vocaux et respiratoires ne sont possibles qu’au travers d’une transformation du corps. Le nouveau rapport souffle/son libère le corps de ses tensions et change notre posture.
Ma démarche est aussi une clé de maîtrise vers la paix intérieure. Quand les gens parviennent à retrouver leur vraie respiration, ils se sentent libérés d’une violence en eux. Ils parviennent peu à peu à gagner en maîtrise et finissent par pouvoir en faire quelque chose de positif. Le stress devient plus facilement gérable. On est plus enraciné et donc mieux en soi. On parle souvent de cette méthode comme une d’analyse sans mot. Mais est-ce étonnant ?
Quand on pense à ce qu’est ce souffle qui nous est donné à la naissance et que l’on devra bien rendre un jour…

 

Serge WILFART

Clin d’Oeil n° 37 • Été 2005

 

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